Pas
la taille ni le nombre, la qualité
Par
une triste journée du mois de mai 2017, Yvonne Maillard a silencieusement quitté
ce monde, archi-bouffée par une armée de crabes furieux, me
laissant inconsolable.
Sans
être certain qu’elle eut apprécié que l’on parle d’elle
devant tant de monde à la fois, ni qu’on lui réserve une place
centrale où que ce soit, quelque chose me dicte que je dois le
faire.
Pardon…
Le devoir n’y est pour rien. Demeure l’envie.
Pas
pour elle. Elle s’en fout désormais. Mais pour moi. Pour tenter de
transmettre une infime partie de l’admiration qu’elle suscitait,
sans jamais chercher à le faire, presque toujours surprise de la
provoquer chez tous ceux qui ont eu cette incroyable chance de
croiser sa route.
Yvonne
Maillard.
De
cette petite bonne femme à la voix douce, au regard souvent rieur,
toujours attentif et bienveillant, on se demandait comment diable la
frêle carcasse pouvait contenir tant de sagesse, de bonté,
d’optimisme et de confiance en l’humain malgré le nombre
d’embûches qui s’étaient dressées en travers de sa route,
malgré le nombre effrayant d’êtres détestables que porte ce
vaisseau à générations vieillissant que d’aucuns appellent la
Terre.
Attachée
de presse aux éditions Denoël pour la collection Présence du
Futur, elle s’investissait comme rarement on voit le faire,
accueillant sans jugement et avec chaleur tous ceux qui frappaient à
sa porte, cherchant toujours à leur « donner » quelque chose.
Combien
d’auteurs et d’illustrateurs sont passés dans cette pièce
encombrée de livres et du fruit de son travail, dans ce petit bureau
de la rue du Cherche Midi où elle s’agitait avec frénésie,
dépensant sans compter une énergie surprenante et n’hésitant
jamais à la transmettre à quiconque voulait bien se l’approprier
et, un jour peut-être, la transmettre à d’autres ?
Combien
de lecteurs passionnés se sont abreuvés à cette source de savoir,
à cette vitalité inépuisable, et ont pioché dans cette vigueur
étonnante pour nourrir leurs propres envies d’écrire, d’agir,
de créer, de partager, de donner à leur tour sans compter ?
Combien
de libraires, combien de professeurs et d’élèves sont venus la
voir ?
Le
nombre ne compte pas, vous dis-je. Mais tous, en croisant son chemin,
on su reconnaître une force de la nature. De celles qui
impressionnent durablement.
Puisse
chacun d’entre eux apprendre d'une manière ou d'une autre sa disparition silencieuse et discrète, et puisse, chacun à sa manière, ressentir le besoin de transmettre ce qu'il a retenu d'elle à son entourage, diffuser avec netteté ou imprécision l'image qu'il aura conservé d'elle.
Cette
nana gagnait à être connue.
D’image,
justement, il en est une qui revêt à mes yeux une force symbolique
très puissante. Cette image a une histoire.
Je tente de la restituer ici.
Je tente de la restituer ici.
En
plus de sa gentillesse et de toute la générosité dont elle pouvait
être capable, Yvonne avait le sens inné de la fête. Et c’est un
soir, alors qu’elle avait organisé dans son appartement de Créteil
l’une de ces fêtes (je ne connaissais pas encore le phénomène
Yvonne à cette époque) que cette image est née.
Un
artiste (et un Grand ! merci à toi, pote de ma meilleure pote
!) s’était installé avec encre, papier et pinceaux dans la pièce
où chaque invité venait déposer son manteau avant de rejoindre
l’ambiance que je devine sans peine vibrante de chaleur, de rires
et d’émotions. À chacune de ces personnes, il demandait le nom
avant de le tracer avec un art consommé sur le papier.
À
la fin de la soirée, il a offert son œuvre à Yvonne. Le nom
d’Yvonne y figure, bien évidemment, il s’agit du cercle central.
Et tous les autres noms s’entrelacent tout autour, accrochés ou
émanant du sien.
À
moins que ce ne soit le sien qui enlace l’ensemble, je ne sais.
Dans tous les cas, je trouve que ça lui correspond merveilleusement.
Cette
image, cette œuvre superbe, la voici.
Merci
d’être passée parmi nous, Très Chère Yvonne à l’indéfectible
amitié.
Et
encore pardon d’avoir vomi dans ton sac à main le premier soir où je t’ai
rencontrée.
Lorsque j'ai annoncé cette terrible nouvelle sur le forum des éditions du Bélial', où je sais que certaines personnes ayant connu Yvonne passent régulièrement, l'un des membres de l'équipe éditoriale de la revue Bifrost a suggéré qu'un hommage devrait lui être rendu dans le numéro de juillet.
Ce sera fait.
De mon côté, cette suggestion a provoqué deux choses : l'idée d'écrire un petit texte pour ma pote, et celle de rendre réelle une image entr'aperçue lors d'une nuit particulièrement difficile.
Je la livre ici, en espérant que ça ne froissera personne.