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mercredi 28 octobre 2020

La Fabrique des lendemains

Rich Larson : La Fabrique des lendemains
éd. Le Bélial' et 42 (Ellen Herzfeld et Dominique Martel), 2020
trad. Pierre-Paul Durastanti, couv. Pascal Blanché

Elle décolla du quai pour grimper dans le ciel jaune terne. La Ville s'étirait dans toutes les directions. Surtout le haut. Tours gigantesques multicolores, immeubles résidentiels rotatifs, tunnels célestes qui se dépliaient et se repliaient selon la circulation. Eris s'éleva sans hâte à travers un essaim de drones. Par sa caméra ventrale, elle regardait l'upear couleur argent qui les suivait.
« Les rues basses, j'ai dit. » La voix de l'homme recelait une note d'impatience, désormais. Du code défilait sur ses yeux. Une pellicule de transpiration bordait la naissance de ses cheveux.
« J'ai entendu. » Elle laissa leur poursuivant gagner un peu de terrain. « On ne vomit pas, à l'arrière, d'accord ? »
Rich Larson est né au Niger. Il a vécu aux États-Unis, au Canada et en Espagne, avant de s'installer à Prague. Entre ses débuts en 2011 et aujourd'hui, il a publié un roman et près de deux cents nouvelles, régulièrement reprises dans les plus prestigieux Year's Best du domaine et saluées par plusieurs prix des lecteurs. À tout juste vingt-huit ans, il est le nouveau prodige de la science-fiction anglo-saxonne, le fer de lance d'une SF post-eganienne qui, distillant les temps présents, synthétise le plus vertigineux des futurs.
Sans équivalent en langue anglaise, élaboré avec exigence, La Fabrique des lendemains réunit vingt-huit récits d'une science-fiction proprement éclatante.
Huitième recueil de nouvelles (1) choisies et présentées par l'entité bicéphale Quarante-Deux, (2) La Fabrique des lendemains ne dépare pas ce qui a précédé dans la collection, démontrant une fois de plus qu'il était urgent de traduire et publier un auteur jusqu'ici inconnu en France. (3)
Si le futur que dépeint l'auteur « synthétise le plus vertigineux des futurs », comme l'annonce la quatrième de couverture, c'est d'un futur plutôt violent, sombre et inquiétant qu'il s'agit, baigné dans les nouvelles technologies actuelles dont Larson aurait poussé les curseurs et où s'efforcent d'exister des êtres vivants et des « machines » bien forcé(e)s de s’accommoder de tout cela puisque... c'est simplement leur réalité.
Si les thèmes abordés peuvent ne pas sembler nouveaux aux lecteurs aguerris du genre, leur rappelant souvent ce qu'ils ont déjà pu lire mais également bon nombre de BD, de films et de séries dont les images maintenant largement répandues aident beaucoup à la « visualisation » des histoires racontées ici, leur auteur offre néanmoins un point de vue précis et personnel au sujet de ce qu'il semble avoir observé, après y avoir sérieusement réfléchi.
Pour sombre et inquiétante qu'elle soit, cette histoire du futur selon Larson (4) se penche néanmoins tout particulièrement sur un sujet qui paraît ici central : ce, celles et ceux qui constatent et ressentent cette réalité et qui ont préféré s’accommoder de leur monde tel qu'il est et s'efforcent de le comprendre plutôt que d'user de ce dernier pour se foutre sur la gueule. Bref, grattez bien, sous la croûte de sang séché, quelque chose brille. Au cœur du pire, palpite encore quelque chose. 
À n'en pas douter, un second recueil de Rich Larson verra le jour dans la même collection. (5) Pas tout de suite, faut laisser le temps au lecteur de digérer (6) sa baffe.

(1) Après Greg Egan (trois fois), Ken Liu (deux fois), Peter Watts (une fois) et Nancy Kress (une fois).
(2) Également repérée sous ses avatars terriens : Ellen Herzfeld et Dominique Martel.
(3) Pour les incapables de lire autrement, dont je.
(4) Lire les nouvelles dans l'ordre, comme le recommande la courte préface des 42, est toujours une excellente idée. Il m'a semblé que cet ordre permettait d'assimiler peu à peu les quelques obsessions récurrentes et style de l'auteur, ce qui permet une lecture de plus en plus confortable au fur et à mesure. D'une certaine manière, Larson est comparable à Watts (en moins radical, tout de même) et donne peu d'explications de ses univers, laissant le soin au lecteur de traquer les détails éclairants. Ces deux-là vous plongent dans le bain, sans préambule, mais Larson distille discrètement des indices visibles et faussement insignifiants.
(5) Impossible que je me trompe à ce sujet, je le veux trop. Il va exister. T'es chaud, Pierre-Paul ?
(6) « On ne vomit pas, à l'arrière, d'accord ? »

dimanche 13 septembre 2020

Je t'aime à la philo

Olivia Gazalé : Je t'aime à la philo
- Quand les philosophes parlent d'amour et de sexe
éd. Le Livre de Poche, couv. Studio LGF, 2020

Qu'est-ce qu'un coup de foudre ? Peut-on promettre la fidélité éternelle ? Le mot amour a-t-il le même sens pour l'homme et pour la femme ?
Ce livre est le premier à répondre à ces questions en croisant la philosophie et la littérature, l'histoire, la sociologie et la biologie. Empruntant à chaque auteur ce qu'il a apporté de décisif sur le sujet, il fait dialoguer Platon et Nietzsche, Schopenhauer et Stendhal, Descartes et Freud, Sartre et Beauvoir... Olivia Gazalé nous guide pas à pas dans ce labyrinthe amoureux.
Un point de vue moderne, un ton enlevé illuminent cet ouvrage indispensable à ceux qui souhaitent se réapproprier le questionnement le plus essentiel de leur vie.
Avec la même minutie, le même sérieux, le même humour et le même brio dont elle fera preuve pour son second essai, (1) Olivia Gazalé s'emploie donc ici à faire le point sur... Sur quoi, au fait ? Qu'est-ce donc que l'amour ?
À cette question incontournable, si le Larousse tente de répondre de manière exhaustive, c'est à mon sens bien tristement qu'il le fait encore de nos jours puisque le premier sens qu'il attribue à ce mot est celui d'un « mouvement de dévotion qui porte un être vers une divinité », (2) la fort peu précise « inclination  d'une personne pour une autre » n'arrivant, bien essoufflée, qu'en quatrième position. C'est pourtant à cette dernière « définition » que s'intéresse la philosophe qui, toujours en s'appuyant sérieusement sur ce qui a pu se dire et s'écrire sur la question dans différentes disciplines, tente de faire le point. (3)
Une tâche ô combien difficile tant cet « amour » a fait couler d'encre, chacun essayant à sa manière de cerner tant bien que mal ce que peuvent signifier ces tempêtes de sensations et de sentiments qu'éprouvent les êtres humains eux-mêmes encore bien mal définis. Et c'est à mes yeux plutôt brillamment qu'elle parvient à le faire, en pesant ses mots mais visiblement avec une grande sincérité, n'hésitant pas à donner son propre avis ni à conclure son ouvrage par une proposition qui peut donner du sens à cet « amour » qui n'en a jusqu'ici guère fait preuve, quel que soit l'angle dans lequel on l'observe.
Cependant, il reste une chose qui n'en a guère (4) et que l'autrice ne commente pas assez à mon goût : cette différence de point de vue que paraissent avoir, de part et d'autre de la tranchée, les femmes et les hommes. Cette chose, que semblait également penser Nietzsche, est exprimée de la manière suivante : « L'homme, poursuit Beauvoir, peut parfois être un amant passionné, il n'est pour autant jamais un "grand amoureux". Même s'il tombe à genoux devant sa maîtresse, il reste un "sujet souverain". La femme aimée n'est qu'une "valeur parmi d'autres" ; il veut l'intégrer à sa vie, non y engloutir son existence entière. "Pour la femme au contraire, l'amour est une totale démission au profit d'un maître". » (5)
En effet, si l'on veut que cela ait du sens, il faudrait tout d'abord définir de manière rigoureuse ce que l'on désigne par « homme » et par « femme ». Existe-t-il un gabarit, autre qu'« éducatif » et massivement répandu, capable de certifier que « celle-ci est une femme » et que « celui-ci est un homme » ? Parce que, à mon sens, la palette est foutrement (6) plus riche et complexe que cela, l'anima et l'animus (7) chers à Jung semblant indiquer de sérieuses pistes pour s'en convaincre. Si l'on tient compte du plus féminin des hommes et de la plus masculine des femmes (quelle que soit la représentation qu'on s'en fait), ça devient un tantinet... compliqué. D'autant plus que, si les femmes semblent vouloir de plus en plus « taper du poing sur la table », avec raison, les hommes n'ont jamais cessé de le faire puisque c'est ce que l'on attend d'eux. Et, prudemment, puisque c'est ce qu'on attend de lui, autant montrer ça, même si c'est tout aussi faux que compréhensible. Quant à se dire « féminin » aujourd'hui lorsqu'on est un homme, malheureusement, ça peut valoir très cher. (8)
Mais je m'égare et je pourrais parler durant des heures de ces sujets que je trouve tout aussi captivants que les ouvrages d'Olivia Gazalé.
Un troisième est-il prévu ou en cours ? Je l'espère vivement.

(1) Le Mythe de la virilité (2019 pour sa version poche).
(2) Alors que l'on peut très bien se contenter d'aimer son chat ou la confiture de fraise tout en n'ayant rien à foutre de Dieu (ou même de son prochain, quel qu'il soit).
(3) Mais elle n'évacue évidemment pas ce « mouvement de dévotion », le nombre d'écrits traitant de ce « sujet » rendant ce dernier inévitable et très loin d'être passé de mode. En revanche, nous n'apprenons rien ici sur les chats ou les confitures.
(4) De sens, tout du moins pour moi.
(5) Pages 204 et 205.
(6) J'avais parié avec moi-même que je placerai ce mot dans ce billet. Je me dois donc une bière.
(7) Qui ne sont pas dans un bateau mais désignent la part de féminité présente chez l'« homme » et la part de masculinité présente chez la « femme ». Ce qui donne un relief nouveau et intéressant au paysage, sans oublier que l'humanité a pu constater l'existence d'autres configurations sexuelles. La question de genre est également abordée dans l'ouvrage d'Olivia Gazalé mais celui-ci s'appuyant principalement sur d'anciens écrits, elle n'est pas centrale. Là où je veux en venir, c'est que, à mes yeux, le plus féminin ou non des hommes (faudrait donner le degré de féminité, aussi ?) peut tout aussi bien aimer de cette manière totale que Beauvoir attribue aux « femmes » tandis que la plus masculine ou non des femmes peut tout aussi bien s'en montrer incapable. Et cela n'indique absolument rien sur la nature de l'être humain qu'elles et ils vont aimer (ce dont, personnellement, je me contrebalance, il me suffit de les voir s'aimer quand c'est le cas pour que je sois content). (Et ma mère disait : « Si tu es content, c'est le principal. Tant que ça ne fait de tort à personne. »). Bref, l'encre n'a pas fini de couler... Et, de manière affligeante, le sang non plus.
(8) Je suggère de donner à « cher » le sens qu'on voudra.

jeudi 4 juin 2020

L'Apprentie du philosophe

James Morrow : L'Apprentie du philosophe
The Philosopher's Apprentice (2008)
éd. Au Diable Vauvert, 2011
trad. Philippe Rouard, couv. Olivier Fontvieille

Lorsque Mason Ambrose, thésard en philosophie, accepte de faire l'éducation morale de Londa, fille d'une célèbre généticienne, il ignore quelles aberrantes surprises lui réserve le paradis tropical de sa mère. Là, entre des iguanes parlants et des arbres conscients, il tente d'inculquer à l'adolescente  les bases d'une conscience éthique. Un enseignement qui va bouleverser son existence et celle de l'humanité entière.
Né en 1947, diplômé de Harvard, auteur du fameux En remorquant Jéhovah, récompensé plusieurs fois par les prestigieux Prix Hugo et Nebula, James Morrow aime se décrire comme un « pèlerin ironique ». Ses romans humanistes et débridés, s'apparentent à des contes voltairiens, en plus drôles.
Avec l'érudition, la profondeur et l'humour auxquels il nous a déjà habitués dans ses autres romans, (1) James Morrow nous invite ici, outre à régler nos comptes avec Dieu qui, si on en parle, n'est pas véritablement convié ici, à débattre autour des notions de Bien et de Mal. Comment doter d'une morale une personne qui en serait dépourvue, cette ô combien difficile nécessité d'une même morale pour tout le monde si l'on veut faire société. Enfin, dans le cas où cette première étape serait passée, celle de comprendre pourquoi une morale est dévoyée aussi aisément qu'on a pu le constater de tous temps, partout.
Si les concepts, les réflexions et les fréquentes références à de nombreux philosophes peuvent échapper à des lecteurs n'ayant pas eu l'occasion de les manipuler, (2) le propos de l'auteur n'en est pas moins clair et, comme il m'a semblé que c'était également le cas dans ses autres romans, se conclue par les mêmes éternelles et lassantes questions auxquelles on ne répond jamais véritablement : à quoi joue-t-on et dans quel but ? (3)
D'une île qui évoque ouvertement celle du Dr Moreau, l'histoire de L'Apprentie du Philosophe bascule dans la critique politique sans perdre ses thématiques de vue, la mise en scène pouvant être facilement perçue comme parodique. (4)
Léger et profond, sombre mais parfois hilarant.
À mes yeux, aussi indispensable que les autres ouvrages de cet auteur.

(1) Celui-ci, bien sûr, mais tous valent le coup d'être lus attentivement.
(2) Je.
(3) Vous avez quatre heures.
(4) Ceci étant dit, il me semble que les clichés décrits à grands traits n'ont véritablement mauvaise presse que dans la littérature. Le nombre de clichés croisés quotidiennement dans la vraie vie et la quantité de situations absurdes m'indiquant qu'ils sont on ne peut plus crédibles et que les auteurs devraient moins hésiter à en coller partout, quoi que les lecteurs en pensent. (5)
(5) À l'heure où je rédige ce billet, je me surprends à me demander ce que penserait Londa de certains specimens actuels comme cet abruti qui propose d'interdire la capture d'images de flics dans les manifs, ou cet autre, qui vente les mérites d'une application qui, de l'avis d'un nombre croissant de personnes avisées (elles), ne servira à rien. Ou de ceux, plus discrets, que la bienveillance (quoi d'autre ?) pousse à aider Wikipédia en nettoyant certaines pages de contenus pouvant ternir leur sujet. Mais je ne pourrai jamais qu'imaginer des réponses et m'en satisfaire puisqu'elles sont miennes.

samedi 18 avril 2020

Le Mythe de la virilité

Olivia Gazalé : Le Mythe de la virilité
- Un piège pour les deux sexes
éd. Pocket, couv. Arno Breker, 2019

Et si, comme les femmes, les hommes étaient depuis toujours victimes du mythe de la virilité ? Pour asseoir sa domination sur le sexe féminin, l'homme a, dès les origines de la civilisation, théorisé la hiérarchie des sexes en faisant de la supériorité mâle le fondement de l'ordre social, religieux et sexuel. Un discours fondateur qui n'a pas seulement postulé l'infériorité essentielle de la femme, mais aussi celle de l'autre homme (l'étranger, le « sous-homme », le « pédéraste », « l'impuissant »...). Historiquement, ce mythe de la virilité a ainsi légitimé la minoration de la femme et l'oppression de l'homme par l'homme. Depuis un siècle, ce modèle de la toute-puissance guerrière, politique et sexuelle est en pleine déconstruction, au point que certains esprits nostalgiques déplorent une « crise de la virilité ».
Cependant si la virilité est aujourd'hui un mythe crépusculaire, il ne faut pas s'en alarmer, mais s'en réjouir. Car la réinvention actuelle des masculinités n'est pas seulement un progrès pour la cause des hommes, elle est l'avenir du féminisme.
Après avoir été séduit par les propos d'Olivia Gazalé (1) sur ce mythe qu'elle s'emploie à démonter méthodiquement, la lecture de cet essai confirme que ce dernier mériterait de prendre tout autant d'importance que celui-ci (2). Chez tout le monde.
D'une manière précise, sans indulgence et parfois avec humour alors que le sujet ne s'y prête pas, l'autrice décrit minutieusement les différentes étapes qui ont piégés les femmes et les hommes dans une compétition qui impose à chacun(e) des croyances et des actes qui ne relèvent que de l'absurde sinon de l'obscurantisme. Le ton employé par Olivia Gazalé, s'il n'allège pas le sujet abordé, permet de lire son ouvrage jusqu'au bout.
Sur une très large période, (3) l'autrice observe cette propension de l'homme à exploiter ses congénères, cite un grand nombre d'écrits qu'elle source abondamment et décortique les rouages de tous les comportements humains en tentant d'y trouver un sens. Et... en un sens, ça en a un puisque ça confirme que ça n'en a pas. (4)
Si les déjà convaincu(e)s ou certain(e)s qui se seraient interrogé(e)s sur cette question de « ce qui fait » les femmes et les hommes n'apprendront rien de vraiment nouveau, elles et ils pourront tout au moins se mettre à jour. Les déjà convaincu(e)s du contraire ou d'éventuel(le)s grincheux(euses) plus ou moins énervé(e)s, quant à elles et eux, y trouveront de quoi.
Cependant, aussi grand soit le soulagement de constater que certaines personnes sont convaincues par les idées défendues ici, il semble que le « combat » (hum...) est encore bien loin d'être gagné, l'observation du monde actuel poussant franchement à craindre le contraire. (5)
S'il provoque l'envie sérieuse de se plonger dans les nombreux ouvrages cités par l'autrice, celle de se procurer son premier livre est, elle, évidente.
(6)

(1) On peut l'entendre dans cette émission et dans cette conférence (déroulez), merci France Cul.
(2) Olivia Gazalé écrit d'ailleurs (page 433) : « L'éducation, tout est là, en effet. » Madame Belotti n'en disait pas moins !
(3) En gros, du « début » à la « fin ». De cette lointaine époque où le monde était perçu comme « magique » (ou bien « ensorcelé ») à aujourd'hui (qui ne nous voit pas beaucoup plus avancé(e)s, à vrai dire).
(4) Afin d'éviter toute confusion : je veux dire que ce sont les comportements humains qui n'ont pas de sens, pas le livre d'Olivia Gazalé.
(5) Il y a quelques jours, la radio confirmait quelques craintes quant à certaines conséquences provoquées par le confinement imposé aux populations : les dépôts de plainte pour violences ont augmenté de 30%. Et on s'amuse et on rigole, diraient certain(e)s.
(6) Tout au long de ce livre, j'ai pensé réécouter cette chanson de Barbara dans laquelle elle cause des hommes qui chialent. Après lecture et après recherche, je n'ai pas retrouvé cette chanson. L'ai-je rêvée ? Est-elle de quelqu'un(e) d'autre ? Quelqu'un(e) a-t-elle ou il rêvé comme moi cette chanson et saurait me l'indiquer ?

samedi 7 mars 2020

Mille petits riens

Jodi Picoult : Mille petits riens
Small Great Things (2016)
éd. Actes Sud, 2018
trad. Marie Chabin, couv. Vee Speers

Ruth est sage-femme depuis plus de vingt ans. C'est une employée modèle, appréciée de tous. Une mère dévouée. Au matin d'une belle journée d'octobre, Ruth est loin de se douter que sa vie est sur le point de basculer.
Pour Turk et Brittany, un jeune couple de suprémacistes blancs, ce devait être le plus beau moment de leur vie : celui de la naissance de leur premier enfant. Pourtant, dans quelques jour, ils repartiront de la maternité en deuil.
Kennedy est avocate de la défense publique. Le jour où elle rencontre une sage-femme noire accusée d'avoir tué le bébé d'un couple raciste, elle se dit qu'elle tient là sa première grande affaire. Mais ce n'est pas un combat gagné d'avance.
Émouvant et captivant, Mille petits riens aborde de front les questions du racisme et du vivre-ensemble dans une Amérique rongée par son histoire. Mais il montre aussi que c'est à travers les petites choses et les mains tendues qu'il est possible de trouver l'apaisement en vue d'une redemption.
Lorsqu'elle évoque le sujet de son roman, le racisme, Jodi Picoult explique qu'il « [...] est différent », que « c'est un sujet épineux, difficile à aborder, et [que] c'est la raison pour laquelle nous l'évitons la plupart du temps ». En effet, il l'est, nous en avons tous des exemples chaque jour sous les yeux et les discussions ayant lieu autour de ce sujet se terminent bien souvent, au mieux, de manière très abrupte.
Pour autant, avec un art consommé, l'autrice se confronte à cet exercice difficile et s'en sort, à mes yeux, de très belle manière. S'appuyant sur de très nombreuses années d'enquête, faisant preuve d'un grand tact et d'un sens de l'observation aiguë, elle s'emploie à décortiquer minutieusement les mécanismes du racisme et analyser une confrontation aussi imbécile qu'absurde. Une confrontation qui est pourtant alimentée et soutenue par un très grand nombre de personnes, (1) qui ne peut déboucher que sur une spirale infernale, quels que soient les registres employés.
Cette spirale, Jodi Picoult, l'illustre merveilleusement par une métaphore qu'elle met en scène dans un dialogue : « — J'ai l'impression de m'être trouvée juste en dessous d'une fenêtre ouverte au moment où quelqu'un jetait un bébé dans le vide. Je rattrape le bébé, bien sûr  qui ne le ferait pas ? Mais tout de suite après, un autre bébé passe par la fenêtre, alors je donne le premier à quelqu'un d'autre pour réceptionner le deuxième. Et ainsi de suite. En un clin d'œil, tout un tas de gens se mobilisent pour se passer les bébés pendant que je continue à assurer en les rattrapant chaque fois qu'ils tombent, mais merde, à la fin, personne ne se pose la question de savoir qui jette tous ces gamins par la fenêtre. » (2)
Et pourtant, elle tourne. Mais tellement mal !
À lire et à relire, même par ceux qui auront l'impression que Mille petits riens prêche des convaincus. Ici, il ne s'agit pas d'enfoncer des portes déjà ouvertes pour certains d'entre nous mais de s'employer en permanence à les maintenir ouvertes, pour le bien de tous. Certes, ça demande un effort de chacun. (3)

(1) De manière horriblement active comme idiotement passive.
(2) Page 591. À la fin de l'ouvrage, l'autrice indique qu'elle doit cette métaphore « au People's Institute for Survival and Beyond qui organise l'atelier Undoing Racism (Défaire le Racisme) financé par le Haymarket People's Fund de Boston [...] ». Merci à tous ! Jamais ce que je pense depuis toujours n'a été si bien formulé. J'adopte direct ! Et, sans que cela soit une bonne nouvelle, c'est applicable à presque tout ce qui se passe sur notre planète absurde. Nom de nom, arrêtons de jeter les bébés par les fenêtres ! D'autant plus que, trop souvent, les bébés peuvent bien s'éclater sur les trottoirs, personne n'en à rien à foutre. La seule peine provoquée étant de faire un pas de côté pour ne pas marcher dedans.
(3) Et un effort conséquent. Bien plus important que celui d'avoir à éviter de marcher dans les bébés éclatés sur les trottoirs.

jeudi 6 février 2020

Au-delà de Blade Runner

Mike Davis : Au-delà de Blade Runner
- Los Angeles et l'imagination du désastre
Beyond Blade Runner (1998)
éd. Allia, 2019
trad. Arnaud Pouillot, couv. ?

Blade Runner, le film de Ridley Scott, a imposé la vision futuriste et apocalyptique d'un Los Angeles dévasté, livré au chaos. Mais, d'après Mike Davis, le visage futur de la ville, dont tous les éléments sont déjà en place, sera moins spectaculaire et pourtant beaucoup plus effrayant. Véritable laboratoire social et urbanistique, Los Angeles préfigure le modèle des mégalopoles modernes : destruction de toute mixité sociale par le cloisonnement strict des populations dans des quartiers réservés, laissés, pour certain, à l'abandon et à la domination des gangs, tandis que les couches les plus aisées se « bunkerisent » grâce à la généralisation de la vidéosurveillance et des milices de sécurité privées. La ville vit désormais dans un état perpétuel de « guerre sociale de faible intensité », susceptible à tout moment d'éclater, comme lors des émeutes provoquées par le tabassage de Rodney King. À la fois sociologique, urbanistique et politique, l'essai de Mike Davis, qui s'appuie autant sur des statistiques précises que sur l'expérience personnelle de l'auteur, offre, au-delà du cas de Los Angeles, un portrait saisissant de l'Amérique contemporaine et des sociétés occidentales en général.
Petit ouvrage d'environ 150 pages qui m'aurait totalement échappé s'il ne m'avait pas été judicieusement signalé, Au-delà de Blade Runner ne constitue que le septième chapitre d'un autre essai, Ecology of Fear (1) et se penche donc sur le cas de Los Angeles, (2) faisant le tableau d'un désastre affligeant.
L'auteur pose un regard très pessimiste mais me paraissant néanmoins très réaliste sur cette ville, pousse le curseur et s'inquiète de son état futur, s'interroge sur les politiques menées qui montrent presque toujours ne jamais tenir compte de ce désastre, paraissent agir sciemment dans ce sens parfois. S'il s'appuie brièvement sur la SF, (3) c'est de manière pertinente, en comparant certaines images des œuvres avec ce qui se déroule et semble prendre forme sous ses yeux.
Après avoir été ouvrier, Mike Davis a entrepris de faire des études puis de porter différentes casquettes : écrivain, historien, professeur d'université et militant, entre autres choses plus intimes. (4)
Je vais à présent retourner me détendre et boire frais.

(1) Non traduit à ma connaissance, mais d'autres le sont.
(2) Bien que la description dépasse ces strictes frontières, comme l'indique le préambule.
(3) En comparant avec les images de Blade Runner, bien entendu, mais aussi, à ma grande joie, avec celles que décrit Octavia Butler dans La Parabole du semeur.
(4) D'autres renseignements sur la page Wiki consacrée à ce Monsieur où j'avais glané ceux-ci. Page où j'ai également pu trouver ce long et passionnant entretien avec lui, dans lequel, à mon sens, il se livre d'une manière particulièrement franche et honnête.

lundi 3 février 2020

Le Consentement

Vanessa Springora : Le Consentement
éd. Grasset, 2020

« Depuis tant d'années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre. »
Séduite à l'âge de quatorze ans par un célèbre écrivain quinquagénaire, Vanessa Springora dépeint, trois décennies plus tard, l'emprise que cet homme a exercé sur elle et la trace durable de cette relation tout au long de sa vie de femme. Au-delà de son histoire intime, elle questionne dans ce récit magnifique les dérives d'une époque et la complaisance d'un milieu littéraire aveuglé par le talent et la notoriété.
Ce livre a déjà fait couler beaucoup d'encre. Dans l'ensemble, à ma grande surprise, une encre plutôt bienveillante, voire reconnaissante. Mais les craintes exprimées par l'autrice en fin d'ouvrage quant à la réception de son récit n'ont pas manqué de surgir malgré tout.
En effet, au-delà du sujet du récit, il n'est pas rare de lire et entendre qu'il ne s'agit-là que d'une opération commerciale opportuniste et uniquement motivée par le gain d'argent, d'un livre dénué de tout talent littéraire. (1) Par des personnes qui, en commentant de la sorte, (2) n'ont à mes yeux démontré que deux choses : l'ampleur de leur manque d'empathie et leur absence totale de réflexion.
À mon sens cet ouvrage est tout aussi nécessaire que celui-ci. Peut-être même qu'ils se complètent, beaucoup de passages m'ayant renvoyé aux réflexions que suggérait l'autre.
Aussi clair que court, le récit de Vanessa Springora revient sur cette période durant laquelle G. a profité de sa célébrité, de ses talents d'écrivain (3) et de tout l'impact que possède un homme de cinquante ans sur l'esprit d'un enfant de quatorze ans ou moins pour lui imposer ses volontés. L'autrice aligne les souvenirs, sur un ton qui m'a toujours semblé authentique. Et si certaines images sont un peu crues, j'ai été étonné par cette écriture toute de calme, de pudeur, sur un sujet qui ne s'y prêtait guère, ce récit cherchant à hurler sa colère à la face d'un monde absurdement sourd jusque-là.
Sourd, à mon grand désarroi, j'ai l'impression qu'il va le rester, même si j'espère que cette première voix poussera d'autres à se faire entendre. Pour dire. À une époque où de plus en plus de monde ne se prive plus de le faire, pour le pire comme pour le meilleur.
À mon sens, les interrogations de Vanessa Springora sont tout aussi légitimes que sa colère.
Et il m'a semblé que ce livre dépassait les « simples » cadres des milieux artistiques, du consentement sexuel et de la douleur que peut provoquer un être humain imposant ses envies à un autre, qui plus est si le second est très jeune. Il me semble constater chaque jour que les humains ne cessent d'agir comme ça, partout. (4)
En permanence. Parce qu'on a toujours fait comme ça. Au mieux parce qu'on a tous plus ou moins besoin d'être reconnus, au pire pour exercer une emprise sur nos congénères. Du plus brillant des artistes au dernier des incapables se trouvant désigné à la tête d'un groupe, dans toutes les couches de la population.
Pourtant, j'ai l'impression que, comme dans énormément de domaines, on ne cherche pas de solutions aux problèmes, on tente simplement de s'en protéger. (5)
Bon... Je pourrais parler de tout ça pendant des heures mais là, tout seul, c'est chiant.
Me reste à remercier cette dame de grand courage ainsi que la personne tout aussi hautement respectable qui a su la persuader de publier son récit.

(1) Sur cette question précise, outre le fait que je suis incapable d'analyser un « talent littéraire » (ce n'est pas mon métier), je trouve un peu gonflé de reprocher à un texte de ne pas être beau alors qu'il ne souhaitait qu'être franc, sincère, honnête... vrai. Et il m'a semblé que c'est ce qui m'a été donné à lire ici. Le délit de sale gueule semble avoir encore de beaux jours devant lui... 
(2) Parfois sans avoir lu Le Consentement ni même cherché à se renseigner davantage sur la question. À une époque où l'on entend nombre de voix louant les bienfaits de « la libération de la parole », puisque c'est ainsi qu'on prononce « dire » aujourd'hui.
(3) Voir note (1). En outre, je n'ai jamais lu une seule ligne de G. si ce n'est celles qui se sont évadées dans la presse dernièrement et d'autres trouvées dans le livre de Vanessa Springora.
(4) Du cadre de la famille jusqu'à celui d'un pays et dans une écrasante majorité. Les enfants n'ont que les adultes en exemples à ce qu'ils peuvent devenir. Pourquoi donc iraient-ils se comporter autrement que ce qu'ils ont sous les yeux ? Pourquoi n'écarquilleraient-ils pas les mirettes pour bien saisir toutes les nuances des paillettes qu'ils voient miroiter en permanence dans les pupilles des « grands » ?
(5) Cette bonne vieille « Nature Humaine » étant ce qu'elle est, que peut-on faire d'autre que s'en protéger ? (6) Mais qui est l'humain au juste ? C'est Vanessa Springora ou c'est ce porc de G. ?
(6) Ici, il s'agit de sexe, mais ailleurs ? On met un numéro de téléphone (pas toujours gratuit) pour répondre aux « rugosités » de la vie. On conseille de ne pas venir à la manif si on ne veut pas se prendre un CRS dans la gueule. Mais je m'égare...

lundi 6 janvier 2020

Chiens de guerre

Adrian Tchaikovsky : Chiens de guerre
Dogs of War (2017)
éd. Denoël, Lunes d'Encre, 2019
trad. Henry-Luc Planchat, couv. Aurélien Police

Je m'appelle Rex. Je suis un bon chien.
Rex est un bon chien. C'est un biomorphe, un animal génétiquement modifié, armé de fusils-mitrailleurs de très gros calibre et doté d'une voix synthétique créée pour instiller la peur. Avec Dragon, Miel et Abeilles, son escouade d'assaut multiforme, il intervient sur des zones de combat où les humains ne peuvent se risquer.
Rex est un bon chien. Il obéit aux ordres du Maître, qui lui désigne les ennemis. Et des ennemis, il y en a beaucoup. Mais qui sont-ils réellement ? Se pourrait-il que le Maître outrepasse ses droits ? Et si le Maître n'était plus là ?
Rex est un bon chien. Mais c'est surtout une arme de guerre hautement mortelle. Que se passerait-il s'il venait à se libérer de sa laisse ?
Après les araignées du futur lointain de Dans la toile du temps, Adrian Tchaikovsky crée un personnage de chien intelligent aussi dangereux qu'attachant. Il met ainsi en lumière les conséquences, notamment éthiques, des recherches en biotechnologie.
Pour ce second roman publié en France, (1) Tchaikovsky déplace son point de vue autour des nombreux thèmes qui lui sont chers. (2)
En effet, s'il commence brutalement par un récit de guerre, le roman se penche assez rapidement sur des questions complexes, éthiques et juridiques, usant de plusieurs points de vue pour mieux les cerner. Étant spécialisé dans le droit et juriste après des études de psychologie et de zoologie, l'auteur semble avoir tout en main pour aborder ces sujets, faisant de Chiens de guerre, roman somme toute assez court, un très riche moment de lecture pour qui s'intéresse un peu aux évolutions biotechnologiques, entre autres choses.
Au-delà de ces nombreux aspects, il m'a également semblé qu'Adrian Tchaikovsky s'interrogeait énormément au sujet de la pertinence et de la légitimité des ordres reçus d'une chaîne de commandement, de l'importance d'analyser par soi-même les contextes et les situations afin de mieux définir les motivations dont découlent ces ordres.
Bref, de se poser une ou deux paires de questions avant de hocher la tête avec enthousiasme, de dire « chef, oui chef ! » et de courir exécuter l'ordre donné en ne ressentant que le plaisir de le faire puisque c'est ce que l'on attend de vous.
Si Rex aime exécuter les ordres donnés par le Maître, c'est parce qu'il est un (bon) chien. Pour lui, remettre ces ordres en question, par nature, (3) c'est au mieux... compliqué sinon impossible. Cependant, sauf erreur de ma part, un grand nombre d'humains n'agissent pas différemment de Rex, certains par amour, d'autres pour de multiples raisons.
Adrian Tchaikovsky s'emploie d'ailleurs à humaniser son personnage tout au long du roman, brouillant les frontières afin de poser une question essentiellement humaine : est-il préférable de suivre un ordre après analyse plutôt que celui qui le donne sans chercher à savoir pourquoi ?

(1) Le premier, Dans la toile du temps, racontant une autre histoire et dont la suite devrait « prochainement » sortir chez le même éditeur (j'ai hâte !).
(2) J'emprunte la citation qui suit au camarade Apophis qui s'exprime bien mieux que moi (ici) à ce sujet. (Merci !) « Les thématiques balayées sont nombreuses et profondes, depuis les droits des intelligences non-humaines jusqu'à la responsabilité du créateur envers sa créature, en passant par la coexistence de divers types d'êtres pensants sur la même planète. Bref, pour qui connaît Tchaikovsky, une bonne partie du cocktail très réussi de [Dans la toile du temps]»
(3) Une nature décuplée par des implants et une chaîne hiérarchique artificiellement renforcée chez Rex.