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mercredi 27 novembre 2019

E.A.R.

E.A.R. : A æ u å æ ø i æ å, æ i å u å æ ø i æ å ?
(2019 - autoproduction)
Enfin ! (1)
Le projet annoncé il y a au moins trois ans a trouvé son aboutissement sous la forme d'un double album aussi foudroyant que je l'espérais.
Le trio formé d'Efrén López, (2) Adrián Perales et Raül Bonell nous fait donc visiter son île et, avec ménagement, (3) nous entraîne dans des paysages sonores rarement rencontrés.
S'entourant de nombreux autres musiciens tout aussi talentueux, le groupe affiche une volonté de faire perdre toute notion de lieu ou d'époque à ses auditeurs, s'empare des traditions du monde, du rock, du metal et de musiques expérimentales pour mieux les mêler et n'exprimer au bout du compte que la plus simple des choses : l'amour de la musique. Si d'autres groupes ont l'excellente idée d'associer l'ancien et le nouveau, à mes oreilles, l'exercice n'a jamais été poussé aussi loin.
Pour de plus amples détails, je recommande vivement de lire intégralement la page Bandcamp du groupe : rarement d'aussi nombreuses informations sont données à lire au sujet d'un disque. Là, c'est complet, vous saurez tout sur tout. Qui joue quoi, qui compose quoi, dans quel morceau, les intentions et inspirations du groupe ainsi que, oui, même la signification du titre de l'album. Un nid d'informations grandement précieuses.
De mon côté, je savoure la chance d'être accueilli sur une île où l'on peut entendre de telles choses.

L'album

Musiciens et invités :
- Efrén López : vielle à roue, guitars, sitar, bağlama, chant,
erbanekudüm, bendir, zilgong, cymbales chinoises, kanjira
- Adrián Perales : batterie 
- Raül Bonell : warr guitar
- Kateřina Göttlichová : chant
Meira Segal : schäferpfeife, gaida
- Balladyna ↑ Witch : chant
- Eléonore Fourniau : chant
- Sylvain Barou : zurna, mey
- Iván López : chant
- Circo Montanari : tabla

Le rouge invitant à cliquer, je ne peux en abuser mais n'hésitez surtout pas à pousser la recherche sur tous les musiciens et les compositeurs qui n'apparaissent pas ici.

(1) Oui, bon... j'ai loupé cette sortie de bien neuf mois, mais... j'attendais depuis si longtemps !
(2) Son site a changé, je ne retrouve plus cette photo hallucinante qui présentait ses instruments posés sur un magnifique tapis...
(3) Commencer l'album par le second titre sur Bandcamp est sans doute l'un des meilleurs moyens. Ça tombe bien, c'est ce que le groupe suggère. On peut également voir une vidéo du même titre (Khronokrator / Xρονοκράτωρ) ici. (4)
(4) Ce qui induit une question : entendra-t-on un jour le disque de Meira Segal et de son groupe ? (Comme elle ne répond pas à son courrier, je me permets de poser la question ici.)

samedi 23 novembre 2019

Jardins de poussière

Ken Liu : Jardins de poussière
éd. Le Bélial' et 42 (Ellen Herzfeld et Dominique Martel), 2019
trad. Pierre-Paul Durastanti, couv. Aurélien Police

« Les yeux fermés, j'imagine les photons rebondissant entre les particules de poussière. L'imagine leurs chemins sinueux le long du dédale de surfaces vives, les pièges, les impasses, les cul-de-sac, les chausse-trappes. J'imagine Cigale qui accomplit sa rotation sous les étoiles, modifiant l'angle des rayons du soleil sur les panneaux. J'imagine les couleurs, changeantes, chatoyantes. Une nouvelle façon de voir... »
Né en 1976 à Lanzhou, en Chine, avant d'émigrer aux États-Unis à l'âge de onze ans, Ken Liu est titulaire d'un doctorat en droit (Harvard). On doit à ses activités de traducteur l'éclosion de la science-fiction chinoise aux yeux du monde. En tant qu'auteur, il dynamite la littérature de genres américaine – depuis une quinzaine d'années collectionnant distinctions et prix littéraires, dont le Hugo, le Nebula et le World Fantasy pour la seule « Ménagerie de papier », ce qui demeure unique à ce jour. Le recueil éponyme, paru aux éditions du Bélial', est par ailleurs lauréat du Grand Prix de l'Imaginaire, tandis que le court roman L'Homme qui mit fin à l'Histoire a achevé de le révéler au grand public. Jardins de poussière est son deuxième recueil à voir le jour en français. Sans équivalent en langue anglaise, réunissant vingt-cinq récits pour l'essentiel inédits, il célèbre un talent majeur et singulier à son sommet – un phénomène.
« Une nouvelle façon de voir » pourrait être une manière de décrire l'écriture de Ken Liu. Si elle n'est pas exactement « nouvelle » pour des lecteurs aguerris ayant l'habitude de lire de la science-fiction, elle est à coup sûr l'une de celles qui parviennent à transporter ceux-ci aussi loin en eux-mêmes qu'il est possible de le faire, proposant une multitude d'expériences de pensée toutes aussi fascinantes les unes que les autres.
S'il m'a semblé que les thèmes favoris de l'auteur restaient inchangés, (1) ce second recueil offre un large éventail d'idées brillantes et de réflexions profondes qui viennent compléter et enrichir celles déjà disponibles en français.
Ken Liu n'a de cesse de s'interroger, abordant énormément de sujets et n'hésitant jamais à les recouper. Ainsi, au fil des textes, les réflexions se croisent, « discutent » entre elles, se répondent, s'entraident. Ken Liu semblent considérer les textes comme il considère les humains, avec respect et bienveillance, dignes d'être écoutés. Tout du moins, ceux qu'il estime authentiques, (2) si j'ai bien compris.
L'architecture de ce second recueil, que l'on doit aux propres interrogations d'Ellen Herzfeld et Dominique Martel, au regard qu'ils posent sur ces textes, tout comme dans La Ménagerie de papier, permet de profiter pleinement du « propos général » de l'auteur, de savourer dans le moindre détail ce qu'il cherche à transmettre. Si chacun trouvera ce qu'il veut bien trouver ici en fonction de ses propres idées, et si Ken Liu n'impose jamais son point de vue, il ne se prive pas pour autant de le donner d'une manière qui m'apparaît aussi limpide qu'humaniste sur de très nombreux sujets qu'il qualifie lui-même d'obsessions.
Cependant, il ne perd jamais de vue qu'il a besoin de la participation des lecteurs pour partager ces réflexions, et il les invite aimablement « à collaborer avec [lui] sur [son travail], à combler les vides, à texturer l'ébauche », remerciant tout aussi aimablement ceux d'entre eux « qui acceptent de se tenir près de [lui] pour, ensemble, tirer du néant de nouveaux mondes ».
Merci pour le partage, Monsieur Liu. 
Si j'ai bien entendu des préférences pour certains textes, (3) la conclusion du billet présentant son premier recueil demeure inchangée : « Sans la moindre fausse note, Jardins de poussière confirme l'immense talent d'un auteur et, comme beaucoup d'autres lecteurs, je vais surveiller attentivement la moindre publication de ses écrits chez nous, dans l'attente d'un autre miracle : la parution d'un troisième recueil. »
Il ne me reste plus qu'à revêtir mon armure de patience et attendre le recueil suivant.

(1) La difficulté qu'éprouvent les humains à comprendre l'univers qui les entoure et à communiquer, prisonniers qu'ils sont de leurs outils de communication limités, privilégiant leurs certitudes au détriment de leurs doutes et questionnements.
(2) « Se soucier de son prochain, voilà ce qui nous rend authentiques. » (page 400)
(3) Dire lesquels n'aurait pas de sens à mes yeux, l'ensemble des textes participant à la qualité et la pertinence de chacun d'entre eux. Si les humains, pour la grande majorité qui ne le fait pas, pouvaient se comporter comme le font ces textes, à coup-sûr, l'univers serait « un peu plus doux, un peu plus chaud, un peu plus brillant ». Et ce, jusqu'à la toute fin.

mercredi 6 novembre 2019

La Fin du rêve

Philip Wylie : La Fin du rêve
The End of the Dream (1972)
éd. Le Livre de Poche, 1979
trad. Bruno Martin, couv. Gérard Ruffin

En cet été 2023, 90 p. 100 de la population a péri. Et il ne reste guère d'espoir pour les survivants. Oh ! non, il n'y a pas eu de conflit généralisé. La bombe, les gaz ou les virus n'ont pas été nécessaires.
Dès 1970, tout était joué. Tout s'est enchaîné puis déchaîné. Dès 1970, les pétroliers n'ont pas cessé de polluer les océans et les mers. Les rivières recueillaient chaque jour de nouveaux effluents toxiques. La Méditerranée agonisait. Les usines ne parvenaient plus à traiter les ordures. Les centrales ne savaient plus où mettre leurs déchets. Les lacs mouraient, les saisons devenaient folles. Dès 1970, le scénario était irréversible.
Ce livre totalement effrayant est le constat à la fois minutieux et convaincant du dernier demi-siècle de l'homme. Un livre testament qui, selon la critique américaine, doit être lu par tous ceux qui s'intéressent à la vie.
Ben oui, la question de l'écologie n'a pas commencé avec Greta...
Pour qu'un tel roman voie le jour en 1972, j'ai le sentiment que sa réflexion et ses inquiétudes reposent bel et bien sur quelque chose qui lui a précédé (de combien ? Dix, vingt ans ?). Il semble que ce soit effectivement le cas, si j'en crois l'avis (1) de Jean-Pierre Andrevon, puisque ce livre s'appuie principalement sur « les ouvrages de l'écologiste Barry Commoner »Qualifié de « froid et sans passion » et de « terrifiant de réalisme » par le même critique, le livre de Philip Wylie est en effet pénible à lire, surtout de nos jours, puisqu'il donne, à peu près à chacun de ses paragraphes, l'impression de lire l'actualité quotidienne de 2019. (2)
Il n'en demeure pas moins que, à mon sens, beaucoup de personnes gagneraient à le lire, principalement celles qui jouent à l'autruche ou, pire, augmentent et défendent leurs ressources monétaires à n'importe quel prix (!). Au moins, comprendraient-elles (3) que les colères de Greta Thunberg, cette jeune et courageuse dame, reposent elles aussi sur quelque chose qui leur a précédé. (4)
Une bonne chose que cette jeune dame soit née à notre époque, dans un endroit où elle peut encore s'exprimer. Plus tôt ou ailleurs, elle aurait atteint le bûcher bien avant la moindre assemblée nationale. Pour autant, si je ne connais pas d'autres objectifs à son action que ceux qu'elle déclare, je lui souhaite de tout cœur de survivre à cette tempête de merde (5) qu'elle ne mérite pas. Elle aura tout de même eu une réponse partielle à l'une de ses questions : visiblement, certains ont honte, au point d'en avoir l'écume aux lèvres.
Sera-t-elle écoutée ? Obtiendra-t-elle l'ombre de l'ombre d'un semblant de dialogue ? Je ne le pense pas, bien que je l'espère. (6) Si l'on pouvait demander aujourd'hui son avis sur la question à Philip Wylie, (7) peut-être se contenterait-il de nous renvoyer, avec une larme au coin de l'œil et un long soupir las, à son roman ? (8)
Comme le chantait l'autre Belge : « Faut vous dire, Monsieur, que chez ces gens-là, on ne cause pas, Monsieur, on ne cause pas... On compte. »

(1) Ici, en bas.
(2) « Coïncidence : le même jour, le ministère de la Transition écologique publiait le rapport dans lequel, tous les quatre ans, il dresse l'état des lieux de l'environnement. C'est accablant. Il n'y a pas que l'air pollué. Il n'y a pas que la biodiversité, avec 18 % des espèces évaluées par les scientifiques éteintes ou menacées, et les habitats naturels massivement dégradés. Il y a aussi les eaux souterraines bourrées de pesticides, de nitrates, de médicaments, de perturbateurs endocriniens. Et les émissions de CO2, qui pulvérisent les scores : 4,9 tonnes par an et par habitant, alors qu'il ne faudrait pas dépasser 2.8 tonnes pour tenir l'objectif (pourtant timide) du Giec. » (Le Canard enchaîné, mercredi 30 octobre 2019, pardon pour cet emprunt.)
(3) Oui, gardons espoir ! Hum...
(4) « Quand le sage désigne la Lune... », patin couffin.
(5) Au lendemain de la rédaction de ce billet, je découvre celui-ci. Allez zou, faut que je passe à la douche, j'ai plein de gerbe sur mon pull...
(6) On a les contradictions qu'on peut...
(7) John Brunner s'amuse également, dans la préface à ce livre, à prêter ses mots à l'auteur, de la manière suivante : « Oui, j'ai bien dit, et je répète encore plus fort : VOTRE FAÇON DE FAIRE LE MONDE. Comme vous continuez à le faire. Si vous avez l'âge de lire ces caractères d'imprimerie, vous êtes assez grand garçon pour porter, au moins en partie, la responsabilité du merdier dans lequel nous pataugeons. Je crois que c'est là ce que Wylie aurait aimé vous dire lui-même. Sinon, il n'aurait pas écrit un livre comme celui-ci juste au terme de sa vie. » (Quel grossier personnage !)
(8) « Naturellement, en 1970, le public n'avait pas saisi cette simple évidence que son intérêt subit pour le nettoyage de son environnement était en conflit direct avec les marchandises, services ou produit national brut qu'il achetait ou utilisait à une cadence sans cesse croissante, qu'il n'avait d'ailleurs aucune intention de freiner. »