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jeudi 6 février 2020

Au-delà de Blade Runner

Mike Davis : Au-delà de Blade Runner
- Los Angeles et l'imagination du désastre
Beyond Blade Runner (1998)
éd. Allia, 2019
trad. Arnaud Pouillot, couv. ?

Blade Runner, le film de Ridley Scott, a imposé la vision futuriste et apocalyptique d'un Los Angeles dévasté, livré au chaos. Mais, d'après Mike Davis, le visage futur de la ville, dont tous les éléments sont déjà en place, sera moins spectaculaire et pourtant beaucoup plus effrayant. Véritable laboratoire social et urbanistique, Los Angeles préfigure le modèle des mégalopoles modernes : destruction de toute mixité sociale par le cloisonnement strict des populations dans des quartiers réservés, laissés, pour certain, à l'abandon et à la domination des gangs, tandis que les couches les plus aisées se « bunkerisent » grâce à la généralisation de la vidéosurveillance et des milices de sécurité privées. La ville vit désormais dans un état perpétuel de « guerre sociale de faible intensité », susceptible à tout moment d'éclater, comme lors des émeutes provoquées par le tabassage de Rodney King. À la fois sociologique, urbanistique et politique, l'essai de Mike Davis, qui s'appuie autant sur des statistiques précises que sur l'expérience personnelle de l'auteur, offre, au-delà du cas de Los Angeles, un portrait saisissant de l'Amérique contemporaine et des sociétés occidentales en général.
Petit ouvrage d'environ 150 pages qui m'aurait totalement échappé s'il ne m'avait pas été judicieusement signalé, Au-delà de Blade Runner ne constitue que le septième chapitre d'un autre essai, Ecology of Fear (1) et se penche donc sur le cas de Los Angeles, (2) faisant le tableau d'un désastre affligeant.
L'auteur pose un regard très pessimiste mais me paraissant néanmoins très réaliste sur cette ville, pousse le curseur et s'inquiète de son état futur, s'interroge sur les politiques menées qui montrent presque toujours ne jamais tenir compte de ce désastre, paraissent agir sciemment dans ce sens parfois. S'il s'appuie brièvement sur la SF, (3) c'est de manière pertinente, en comparant certaines images des œuvres avec ce qui se déroule et semble prendre forme sous ses yeux.
Après avoir été ouvrier, Mike Davis a entrepris de faire des études puis de porter différentes casquettes : écrivain, historien, professeur d'université et militant, entre autres choses plus intimes. (4)
Je vais à présent retourner me détendre et boire frais.

(1) Non traduit à ma connaissance, mais d'autres le sont.
(2) Bien que la description dépasse ces strictes frontières, comme l'indique le préambule.
(3) En comparant avec les images de Blade Runner, bien entendu, mais aussi, à ma grande joie, avec celles que décrit Octavia Butler dans La Parabole du semeur.
(4) D'autres renseignements sur la page Wiki consacrée à ce Monsieur où j'avais glané ceux-ci. Page où j'ai également pu trouver ce long et passionnant entretien avec lui, dans lequel, à mon sens, il se livre d'une manière particulièrement franche et honnête.

lundi 3 février 2020

Le Consentement

Vanessa Springora : Le Consentement
éd. Grasset, 2020

« Depuis tant d'années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre. »
Séduite à l'âge de quatorze ans par un célèbre écrivain quinquagénaire, Vanessa Springora dépeint, trois décennies plus tard, l'emprise que cet homme a exercé sur elle et la trace durable de cette relation tout au long de sa vie de femme. Au-delà de son histoire intime, elle questionne dans ce récit magnifique les dérives d'une époque et la complaisance d'un milieu littéraire aveuglé par le talent et la notoriété.
Ce livre a déjà fait couler beaucoup d'encre. Dans l'ensemble, à ma grande surprise, une encre plutôt bienveillante, voire reconnaissante. Mais les craintes exprimées par l'autrice en fin d'ouvrage quant à la réception de son récit n'ont pas manqué de surgir malgré tout.
En effet, au-delà du sujet du récit, il n'est pas rare de lire et entendre qu'il ne s'agit-là que d'une opération commerciale opportuniste et uniquement motivée par le gain d'argent, d'un livre dénué de tout talent littéraire. (1) Par des personnes qui, en commentant de la sorte, (2) n'ont à mes yeux démontré que deux choses : l'ampleur de leur manque d'empathie et leur absence totale de réflexion.
À mon sens cet ouvrage est tout aussi nécessaire que celui-ci. Peut-être même qu'ils se complètent, beaucoup de passages m'ayant renvoyé aux réflexions que suggérait l'autre.
Aussi clair que court, le récit de Vanessa Springora revient sur cette période durant laquelle G. a profité de sa célébrité, de ses talents d'écrivain (3) et de tout l'impact que possède un homme de cinquante ans sur l'esprit d'un enfant de quatorze ans ou moins pour lui imposer ses volontés. L'autrice aligne les souvenirs, sur un ton qui m'a toujours semblé authentique. Et si certaines images sont un peu crues, j'ai été étonné par cette écriture toute de calme, de pudeur, sur un sujet qui ne s'y prêtait guère, ce récit cherchant à hurler sa colère à la face d'un monde absurdement sourd jusque-là.
Sourd, à mon grand désarroi, j'ai l'impression qu'il va le rester, même si j'espère que cette première voix poussera d'autres à se faire entendre. Pour dire. À une époque où de plus en plus de monde ne se prive plus de le faire, pour le pire comme pour le meilleur.
À mon sens, les interrogations de Vanessa Springora sont tout aussi légitimes que sa colère.
Et il m'a semblé que ce livre dépassait les « simples » cadres des milieux artistiques, du consentement sexuel et de la douleur que peut provoquer un être humain imposant ses envies à un autre, qui plus est si le second est très jeune. Il me semble constater chaque jour que les humains ne cessent d'agir comme ça, partout. (4)
En permanence. Parce qu'on a toujours fait comme ça. Au mieux parce qu'on a tous plus ou moins besoin d'être reconnus, au pire pour exercer une emprise sur nos congénères. Du plus brillant des artistes au dernier des incapables se trouvant désigné à la tête d'un groupe, dans toutes les couches de la population.
Pourtant, j'ai l'impression que, comme dans énormément de domaines, on ne cherche pas de solutions aux problèmes, on tente simplement de s'en protéger. (5)
Bon... Je pourrais parler de tout ça pendant des heures mais là, tout seul, c'est chiant.
Me reste à remercier cette dame de grand courage ainsi que la personne tout aussi hautement respectable qui a su la persuader de publier son récit.

(1) Sur cette question précise, outre le fait que je suis incapable d'analyser un « talent littéraire » (ce n'est pas mon métier), je trouve un peu gonflé de reprocher à un texte de ne pas être beau alors qu'il ne souhaitait qu'être franc, sincère, honnête... vrai. Et il m'a semblé que c'est ce qui m'a été donné à lire ici. Le délit de sale gueule semble avoir encore de beaux jours devant lui... 
(2) Parfois sans avoir lu Le Consentement ni même cherché à se renseigner davantage sur la question. À une époque où l'on entend nombre de voix louant les bienfaits de « la libération de la parole », puisque c'est ainsi qu'on prononce « dire » aujourd'hui.
(3) Voir note (1). En outre, je n'ai jamais lu une seule ligne de G. si ce n'est celles qui se sont évadées dans la presse dernièrement et d'autres trouvées dans le livre de Vanessa Springora.
(4) Du cadre de la famille jusqu'à celui d'un pays et dans une écrasante majorité. Les enfants n'ont que les adultes en exemples à ce qu'ils peuvent devenir. Pourquoi donc iraient-ils se comporter autrement que ce qu'ils ont sous les yeux ? Pourquoi n'écarquilleraient-ils pas les mirettes pour bien saisir toutes les nuances des paillettes qu'ils voient miroiter en permanence dans les pupilles des « grands » ?
(5) Cette bonne vieille « Nature Humaine » étant ce qu'elle est, que peut-on faire d'autre que s'en protéger ? (6) Mais qui est l'humain au juste ? C'est Vanessa Springora ou c'est ce porc de G. ?
(6) Ici, il s'agit de sexe, mais ailleurs ? On met un numéro de téléphone (pas toujours gratuit) pour répondre aux « rugosités » de la vie. On conseille de ne pas venir à la manif si on ne veut pas se prendre un CRS dans la gueule. Mais je m'égare...